GUIDÉE PAR L’AMOUR
Jacqueline est proche aidante de sa fille Véronique, 30 ans, atteinte du syndrome d’Angelman, et de sa maman, Madeleine, 95 ans. Les trois femmes ainsi que le conjoint de Jacqueline vivent actuellement tous sous le même toit. Comme le Strøm soutient la cause des proches aidants, nous avons voulu discuter avec elle de sa nouvelle réalité. Qu’en est-il du rôle de proche aidant à l’ère de la COVID-19?
Lorsque le Québec entier a été mis en confinement, ma première réaction fut de me féliciter d’avoir sorti ma mère de la résidence pour personnes âgées où elle vivait plus tôt que prévu, soit le 15 février dernier. J’ai agi juste à temps! Lorsqu’elle vivait là-bas, j’allais la visiter tous les jours afin de lui offrir mon aide. Avec les restrictions actuelles, je n’aurais pas pu lui apporter les soins nécessaires. Vivre sous le même toit est la meilleure manière de traverser cette ère de changement.
Le confinement et la nouvelle vie à quatre, incluant mon conjoint, notre fille et ma mère, apporte inévitablement son lot de bouleversements. Alors que les activités de Véronique sont annulées, camp de jour, quilles, danses, etc., et que certains services offerts par le CLSC pour ma mère, dont les bains et la visite d’une infirmière, sont mis sur pause, j’ai par conséquent beaucoup moins de répit. Le handicap de Véronique comportant une déficience intellectuelle, elle ne comprend pas ce qui se passe. Elle ne parle pas. Elle était fidèle à sa routine et nous avions un calendrier mensuel affichant chaque jour les activités à l’horaire au moyen de pictogrammes. D’un coup, j’ai dû enlever tous les pictogrammes. La cohabitation entraîne également son lot de défis. Psychologiquement, c’est aussi difficile. Nous n’avons plus personne sur qui compter pour nous accompagner. Je suis maintenant proche aidante 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Mon mari travaille dans le domaine de l’agriculture, mais il peut actuellement faire du télétravail puisque nous avons deux personnes à risque à la maison. Notre routine se transforme et nous devons nous adapter. Personnellement, je m’adapte assez bien. Pour Véronique, c’est plus difficile : chaque fois qu’elle fait face au changement, le déséquilibre chez elle se traduit par de l’incontinence et des sautes d’humeur. Cela dit, elle reste un ange.
On se laisse porter par la vague et on tente de garder la tête hors de l’eau. On garde le cap et on respire malgré les intempéries. On s’accroche à ce qui apaise l’âme. Je me considère choyée d’avoir une maison à la campagne. Je profite de l’environnement dans lequel je suis, de la nature, des fleurs. Je m’évade dans le jardinage!
Le handicap de ma fille fait en sorte qu’elle est d’une douceur incroyable. Le quotidien avec ma mère est aussi un charme. Le défi principal, c’est de demeurer patiente et de revisiter son rapport au temps. Plusieurs personnes me disent que je suis courageuse. Ce n’est pas du courage, c’est de l’amour! C’est la famille! Mais le dévouement ne veut pas dire que je n’ai pas hâte de recevoir un petit massage. Cette crise me fait réaliser que je devrais prendre davantage soin de moi. En janvier, j’avais pris la résolution de prendre une fin de semaine par mois pour moi… Cela a duré 2 mois. On va se reprendre lorsque la vie reprendra son cours!
Cette crise est un message. Elle nous fait prendre conscience de l’importance des gens qui nous entourent, des liens familiaux. Comme j’ai hâte de voir mes petits-enfants! Ils grandissent vite, et je ne peux pas les serrer contre moi et les bécoter. Une chance que FaceTime existe! Je vois beaucoup de gens autour de moi faire des introspections face à la vie familiale. C’est une période tout indiquée pour réapprendre à vivre. Je me considère aussi privilégiée de vivre dans un environnement extraordinaire. Nous habitons à la campagne sur le bord d’une rivière qui est toujours en mouvement. Quelle chance nous avons en ces temps de confinement…
Je choisis de miser sur l’espoir, de voir le bon côté des choses, de faire confiance en la vie. A-t-on vraiment besoin d’aller physiquement au travail tous les jours et d’affronter le trafic? Pourrions-nous faire une portion du travail à la maison pour profiter de plus de temps en famille? Voilà plusieurs questions à se poser. Je crois que cela va restructurer notre rythme de vie, changer les façons de faire et modifier les priorités pour le mieux. Du bon sortira et restera de cette épreuve. Je crois qu’on connaîtra un monde meilleur.
P.S. – Je vous remercie de m’avoir donné la chance de réfléchir sur la question. Cela m’a même permis de penser à une autre approche à adopter avec Véronique en ce temps de crise. Je vais créer un calendrier avec des pictogrammes adaptés à la situation. Cela lui permettra de continuer de fonctionner selon un horaire qui lui est rassurant, la gardera éveillée et active, et facilitera sûrement le retour à la normale dans quelques semaines. Merci!