Avez-vous déjà ressenti un sentiment de calme, de réconfort et des frissons en écoutant la pluie tomber délicatement, quelqu’un vous chuchoter à l’oreille ou encore le son des vagues ? Si la réponse s’avère positive, vous faites possiblement partie de ces personnes qui sont sensibles à l’ASMR (Autonomous Sensory Meridian Response, ou réponse automatique des méridiens sensoriels).
En 2010, ce sentiment indescriptible fut officiellement nommé « ASMR » par Jennifer Allen suite à le montée de la popularité sur YouTube de vidéos provoquant ce sentiment, et la nécessité de démystifier le phénomène. Ce dernier peut être caractérisé comme un ensemble de réactions induites dans le corps par le biais de techniques, le plus souvent sonores.
Ceux qui y sont sensibles décrivent une sensation de picotements partant de la nuque pour voyager dans le reste du corps. L’objectif : activer le système nerveux central pour induire le relâchement des tensions et retrouver le bien-être global. Les bienfaits permettraient de lutter contre l’insomnie, le stress ou encore l’anxiété.
Un univers parallèle plus doux
L’ASMR ne déclenche pas les mêmes stimuli d’un individu à l’autre. Alors que certains y sont complètement insensibles, d’autres décrivent une étrange et indescriptible sensation de bien-être. Certains ressentent le frisson dans le bas du dos, d’autres dans les bras ou les jambes.
« C’est incroyablement reposant, mais comme toute autre sensation, les mots ne lui font pas honneur », explique le journaliste américain Jason Abbruzzese.
Découvrir l’ASMR peut être étonnant, dépaysant, ou encore même déroutant ! La bouche collée au micro, les artistes ASMR chuchotent et caressent généralement des objets pour induire des sons spécifiques dans le cadre de vidéos YouTube. Pour intensifier l’expérience, ils utilisent des microphones binauraux qui permettent d’envoyer un son similaire dans chaque oreille, afin d’accentuer l’impression de proximité.
Quelques exemples audiovisuels
Les artistes ASMR tentent d’établir un sentiment d’intimité avec leur auditoire, notamment en s’adressant directement à chaque personne.
Certains élargissent les possibilités en développant une expérience immersive.
Par le biais de concepts ou de jeux de rôle, on cherche à donner l’impression que le spectateur est personnellement pris en charge. Certaines vidéos attirent plutôt l’attention de l’auditeur sur la manipulation d’objets miniatures.
Différentes idées, mais un seul point en commun : la stimulation de l’ouïe. Pour les adeptes de l’ASMR, le son est au cœur de la sensation.
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Contributions scientifiques
Depuis 2013, le docteur Craig Richard, spécialiste en biologie cellulaire, étudie l’ASMR afin de démystifier ses aspects sociaux et biologiques. L’expert mentionne que ses déclencheurs comme les chuchotements, les mouvements lents et l’attention personnelle activeraient les mêmes voies biologiques que celles déclenchées par les contacts personnels et intimes en temps réel. Des hormones comme l’endorphine, la dopamine, l’ocytocine et la sérotonine seraient libérées, contribuant au sentiment de bien-être et de réconfort.
Par l’entremise d’un projet de recherche alimenté via son blogue University ASMR, il explique qu’environ 20 % de la population aurait la possibilité d’y être sensible. Dans un livre coécrit avec l’artiste ASMR Benjamin Nicholls, ASMR: The Sleep Revolution, il met en lumière le pouvoir de cette pratique pour vaincre la privation chronique de sommeil ou le stress. La réponse automatique des méridiens sensoriels agit en tant que somnifère naturel et permet une relaxation profonde, sans avoir recours aux médicaments.
Afin d’identifier ses déclencheurs et de définir les motivations et les sensations de ses spectateurs, Emma L. Barratt et Nick J. Davis, du département de psychologie de l’Université de Swansea au Royaume-Uni, ont mené une enquête auprès de 475 membres de la communauté ASMR. Les résultats avancent que 98 % des répondants perçoivent l’ASMR comme un moyen de relaxation. Quatre-vingts pour cent visionneraient les vidéos pour trouver le sommeil et 70 % estimeraient que cette pratique les aide dans leur gestion du stress au quotidien. L’ASMR contribuerait aussi à améliorer l’humeur, jusqu’à trois heures après l’écoute. Plusieurs membres affirment être adeptes d’ASMR pour réduire les symptômes de la dépression. Cinquante pour cent des répondants auraient besoin d’être dans un environnement calme afin d’atteindre la réponse des méridiens sensoriels.
Une étude de 2018 menée par l’Université de Sheffield tenta à son tour de démystifier l’ASMR auprès de deux groupes de participants : l’un s’identifiant comme étant réceptif à cette pratique, et l’autre n’en ayant jamais fait l’expérience. Suite au visionnement de vidéos ASMR, les chercheurs ont observé une réduction de la fréquence cardiaque et une augmentation de la transpiration chez le groupe réceptif. Ce modèle démontre que l’expérience ASMR est à la fois calmante (fréquence cardiaque réduite) et excitante (transpiration). Cela en fait une pratique distincte de la simple relaxation, puisqu’elle induit le même genre d’excitation que l’on peut ressentir en écoutant par exemple de la musique qui nous fait plaisir. Chez le groupe non réceptif, aucune variation n’a été notée.
Le neurologue Pierre Lemarquis, spécialiste de l’effet de la musique sur le cerveau, explora aussi la notion auditive de l’ASMR. Il conclut également que cette pratique, tout comme la musique, procurerait une sensation de bien-être et réduirait le stress en favorisant la sécrétion d’endorphines et la diminution de la production de cortisol.
La massothérapie comme canal d’ASMR
L’ASMR est inévitablement connexe au monde du bien-être, et la massothérapie n’y fait pas exception. L’Académie de massage scientifique du Québec reconnaît notamment l’importance de la stimulation de l’ouïe dans l’appréciation d’un soin. En plus de reposer sur l’exécution de techniques, le succès d’un soin de massothérapie s’atteindrait en prédisposant le client à la relaxation : en misant sur l’ambiance des lieux, en sollicitant les cinq sens et en considérant le pouvoir de l’ouïe. De simples dispositions comme le ton de la voix, le son de la respiration et le choix de la musique prendraient tout leur sens dans l’appréciation d’un soin. En somme, les éléments clés de l’ASMR s’intègrent aisément dans le monde holistique moderne, maximisant le sentiment d’intimité et optimisant la douceur de l’expérience.