ENFIN ! — Vous voilà installé(e), magazine à la main. À quelle fréquence vous arrive-t-il de laisser vos yeux et votre cerveau vagabonder loin des écrans de votre téléphone et de vos pensées? Avez-vous déjà songé à faire de ces temps d’arrêt un mode de vie ? Serait-ce impensable, alors que la vie va si vite ? Ou est-ce déjà chose faite ? S’agit-il d’un luxe que vous n’osez pas vous accorder? Ou encore d’un souhait profond, un besoin même, auquel vous ne savez hélas pas trop comment répondre ? Entre le souhait et la réalité d’un quotidien qui respire davantage, il y a une question de perception. Arrêtons de voir nos temps de pause comme du temps de paresse, du temps volé à notre liste de tâches et même comme une récompense bien méritée au bout de notre dur labeur. Non, pour leur faire de la place plus souvent, pour faire taire la culpabilité, il faut les considérer comme des actions stratégiques et utiles, voire nécessaires et incontournables au bon fonctionnement de notre outil principal de travail : notre cerveau.
ralentir
Entre la fatigue pandémique et le tollé d’actualités aussi désolantes que polarisantes qui nous dégringolent dessus semaine après semaine, le monde n’a jamais été aussi épuisé. En avril 2021, 80 % des gestionnaires affirmaient terminer leur journée de travail exténués au point où ils n’avaient plus aucune énergie pour autre chose. Plus largement, la majorité des personnes affirmaient travailler davantage en télétravail, utilisant les périodes habituellement allouées aux déplacements pour se mettre à l’œuvre. Plusieurs se demandaient même comment ils arriveraient à reprendre leurs autres rôles sociaux après la pandémie, tellement le travail prenait maintenant une grande place dans leur vie.
changement de culture
Mais comment en sommes-nous arrivés, comme société, à supprimer la majorité de nos temps blancs? D’abord, la culture de performance est devenue la culture dominante, de sorte que les attentes au travail prennent souvent le dessus sur les besoins des autres sphères. Ou pire, nous n’entendons plus nos besoins réels, étourdis par le FOMO (fear of missing out), cette peur de manquer quelque chose ou de rater des occasions. L’autre coupable, bien sûr, est l’hyperconnectivité. C’est possiblement celle-ci qui a mis le clou dans le cercueil de nos temps blancs. L’instantanéité est devenue notre drogue. La petite souris dans notre cerveau s’abreuve de nouveautés et de stimulations à s’en donner mal à la tête. Mais elle n’arrive tout simplement plus à s’arrêter, droguée à la flambée d’hormones que lui procurent ces activités.
C’est ainsi que nous avons perdu nos temps blancs: ces temps vides, exempts de sollicitation, pendant lesquels notre esprit peut vagabonder librement, comme le temps d’attente dans une file à l’épicerie ou au bout du fil, lors d’un déplacement en taxi ou en autobus. Ceux-ci nous indisposent désormais tellement qu’on les comble sur-le-champ, en attrapant notre téléphone, en consultant nos messages, notifications de toutes sortes et fils d’actualité. Bref, nous arrivons de moins en moins à prendre du temps pour renflouer nos propres énergies et apaiser notre espace mental hyperstimulé.
Ah, ces humains! Mieux vaut en rire ! Mais on se questionne aussi, non? Vous serez d’accord avec moi pour dire qu’il est possible de poser la question autrement: à côté de quoi passons-nous si nous n’avons plus de temps blancs à savourer? À côté de la vraie connexion: la relation à soi, à la nature, au rythme naturel des choses. La connexion aux autres, même. Celle qui nous a tant manqué en temps de pandémie. Saurons-nous rétablir cet habile équilibre entre stimulation, recharge mentale et inspiration? Eh bien, les temps blancs peuvent nous y aider.
un outil de saine performance appelé temps blanc
La définition officielle du concept, que nous avons chez De Saison traduit de l’anglais whitespace et adapté, c’est « du temps stratégique en marge du quotidien pour prendre du recul, apaiser son espace mental, réfléchir stratégiquement et se déposer». À titre de conseillère stratégique en entreprise, de professionnelle des communications et de la créativité, je suis une habituée des lacs-à-l’épaule, ces « retraites d’affaires» pendant lesquelles on reconnecte, réfléchit et planifie, loin de nos ordinateurs. L’idée derrière les temps blancs, c’est de créer pour nous-mêmes ces petites pochettes de temps au quotidien. Cela vous semble un luxe inaccessible ? Et si ces quelques minutes quotidiennes vous permettaient de reprendre possession de votre expérience du travail et de la vie, d’avoir des journées hautement plus satisfaisantes et moins épuisantes?
se décoller le nez de l’arbre pour mieux voir la forêt
Il existe plusieurs types de temps blancs, du plus petit, comme la pause entre deux rencontres au travail, au plus grand : la fameuse retraite ou le lac-à-l’épaule. Entre les deux, il y a tous les moments de transition, les déplacements en voiture, la marche vers l’école, la séance d’entraînement, où l’on prend le temps de tracer la ligne entre notre journée de travail et le retour à la sphère familiale. Ces instants de pause s’invitent même au bureau, où l’on dit que de consacrer 20 % de notre temps au temps blanc pourrait aider à stimuler la créativité et l’innovation, encourager l’agilité stratégique et les apprentissages, ainsi que contribuer à prioriser la santé globale et le sentiment d’appartenance à l’équipe. Enfin, il y a ce temps pour nous-mêmes, en fin de soirée ou lors de nos jours de congé, que nous oublions parfois d’orienter de façon intentionnelle et satisfaisante.
justement, que fait-on pendant ces fameux temps blancs?
On laisse la poussière de nos pensées se déposer ou bien on les jette sur papier dans un désencombrement mental géant. Nos « il faut que », nos projets, nos souvenirs passés, notre discours intérieur. Les études démontrent que seulement 20 minutes passées à l’extérieur (seul, en silence et sans aucun écran) sont suffisantes pour abaisser de façon significative le taux de cortisol dans notre corps, et donc le stress. On en profite pour marcher, observer la nature autour de nous, se reconnecter à nos cinq sens. On se détache ainsi un peu de nos pensées, on les laisse traverser notre esprit pendant qu’on se concentre quelques minutes sur la nature environnante. À l’intérieur, on obtiendra les mêmes bienfaits en touchant par exemple une tasse de thé fumant, en écoutant le bruit de la bouilloire, en ouvrant la fenêtre pour prendre une bouffée d’air frais. Un premier pas accessible vers la pleine conscience. Une fois toute votre agitation mentale calmée, il y a fort à parier que vous vous sentirez plus présents, plus conscients de ce qui est autour de vous. Vous serez habités d’un sentiment de calme et de satisfaction. Bref, vous y verrez plus clair. Vous disposerez à ce moment d’un meilleur recul stratégique pour orienter votre journée de façon réaliste, en fonction des vrais besoins et des vraies priorités. Et ça, c’est de la saine productivité ! Joyeux Temps blanc !
de l’intention à l’action
De Saison outille les individus, équipes et gestionnaires dans cette transformation du monde du travail sans précédent. Sa mission: promouvoir des réflexes de saine performance, pour la santé des individus, de leurs familles, des organisations et des collectivités dans leur ensemble.