« Mon pays, ce n’est pas un pays… » Nul besoin de terminer ma phrase, la fin, vous la connaissez par cœur. Ces mots de Gilles Vigneault font partie de chacun de nous. Rigoureux, long, glacial, difficile, rude, hostile… Bien des qualificatifs peuvent être donnés à notre hiver, mais le meilleur d’entre eux reste « québécois». Certains ne sauraient s’en passer, d’autres le fuient dès son arrivée. Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, l’hiver est un élément clé de notre identité et de celle de notre terroir.
le vignoble québécois
Le tout premier vignoble commercial du Québec, le Domaine des Côtes d’Ardoise, a été fondé en 1980 à Dunham dans Brome-Missisquoi par Christian Barthomeuf. Il va donc sans dire que l’historique de la cul- ture du vin au Québec est très court. L’absence de traditions peut être vu comme un inconvénient, mais quand on y pense bien, c’est plutôt un avantage. Les réglementations sont moins contraignantes que sur le Vieux Continent. On peut sortir des sentiers battus et laisser libre cours aux expérimentations et aux innovations, ce qui permet aux vignobles québécois d’évoluer à la vitesse grand V.
Étonnamment, le Québec a un point commun avec certaines régions d’Europe comme Bordeaux ou la Loire, en France. Notre moyenne d’heures annuelles d’ensoleillement se compare aux leurs. Alors, qu’est-ce qui distingue le vignoble québécois du reste du Canada, et même du monde ? Ce qui est à la base du terroir québécois et qui crée sa typicité, c’est, vous l’aurez deviné, l’hiver.
les cépages hybrides
Les cépages les plus connus nous viennent de la variété vitis vinifera. Ces cépages d’origine européenne (chardonnay, sauvignon blanc, pinot noir, etc.) offrent sans contredit les meilleurs résultats. L’Amérique du Nord possède aussi des espèces de vignes qui lui sont indigènes, par exemple vitis riparia et vitis lambrusca. Au Québec, la vaste majorité des cépages plantés sont des hybrides, soit un croisement entre deux espèces fait afin de créer une variété ayant les qualités de chacun; par exemple, la qualité du fruit de l’un et la résistance du plan de l’autre. Les hybrides peuvent résister à des températures allant jusqu’à -35 °C sans protection hivernale autre que l’isolant naturel qu’est la neige. On pense à des cépages tels que Maréchal Foch, vidal, seyval, frontenac (blanc, gris ou noir), Saint-Pépin et plus encore.
Ne passons cependant pas sous silence l’enthousiasme grandissant des vignerons québécois pour la culture des vitis vinifera. Pour ces variétés moins adaptées à notre climat, la neige n’est pas une protection suffisante. On privilégie plutôt le buttage (formation d’une butte de terre au pied des plants) ou l’utilisation de toiles géotextiles pour couvrir les vignes.
« L’hiver est un ennemi et, en même temps, un allié. C’est l’élément central du vignoble québécois, celui qui lui donne toute son unicité. C’est pourquoi il faut apprendre à travailler avec lui. »
— Matthieu Beauchemin, du Domaine du Nival en Montérégie
les gels tardifs du printemps et hâtifs de l’automne : enjeux d’un climat nordique
Peu importe la région du monde ou le type de culture, les agriculteurs seront toujours à la merci des aléas de la nature. Au Québec, on le sait, nous avons quatre saisons très distinctes qui comportent chacune bon nombre de risques, et le passage de l’une à l’autre est de plus en plus radical.
Chaque printemps ou presque, le mois de mai nous surprend avec des nuits aux températures frôlant le point de congélation. Le risque ? À cette période de l’année, le débourrement (période d’ouverture des bourgeons) est déjà bien entamé. Un bourgeon est composé d’eau en grande partie, ce qui le rend extrêmement sensible au gel. Et comme toute la promesse de la vendange à venir est contenue dans chacun des petits bourgeons de la vigne, un gel peut être catastrophique. Pour éviter le pire, les vignerons font des feux dans leurs champs la nuit afin de réchauffer l’air juste assez pour échapper au gel. Ils peuvent aussi asperger les vignes d’eau. Ce système peut paraître contre-intuitif, mais la fine couche d’eau qui se dépose sur la vigne et les bourgeons gèle et les protège du froid. Des tours à vent ressemblant à de petites éoliennes sont également utilisées afin de faire descendre vers le sol les masses d’air chaud qui se tiennent plus en hauteur que les masses d’air froid. Dans le même ordre d’idées, il est également possible de faire bouger les masses d’air à l’aide d’un hélicoptère. Une solution qu’on devine plus coûteuse et moins écoresponsable, mais une solution tout de même.
le goût d’un vin nordique
Plus un climat est chaud, plus le raisin aura de la facilité à mûrir et à le faire rapidement. Qui dit fruit mûr, dit sucre et qui dit sucre, dit alcool. Les régions viticoles les plus chaudes donnent donc générale- ment des vins plus forts en alcool avec des arômes de fruits bien mûrs. À contrario, un climat frais a comme incidence de préserver l’acidité dans le fruit. L’acidité est un élément central du vin. Sa présence en quantité suffisante crée un équilibre et apporte une fraîcheur des plus agréables qui rend le vin digeste.
Si l’on devait caractériser de manière très générale les vins québécois (gardons en tête que l’on compte dans la province sept régions viticoles, totalisant 146 vignobles sur 800 hectares pour une production annuelle environnant les 2,5 millions de bouteilles), on pourrait dire qu’ils sont légers, frais, peu tanniques et très aromatiques.
Chaque millésime amène son lot de nouveaux vins sur la scène québécoise. Nous ne sommes pas près d’être à court de découvertes et de surprises. Buvez du vin d’ici et goûtez à notre nordicité !
domaine bergeville, le blanc brut 2020, biologique
13374562 – 29,85 $
Ce vin blanc mousseux nous vient de l’Estrie, plus précisément de Hatley, près du lac Massawippi entre Magog et Sherbrooke. Les pro- priétaires, Marc Théberge et Eve Rainville (la contraction de leurs noms de famille donnant lieu au nom du domaine) exploitent ce domaine de 12 000 vignes depuis 2018. L’agriculture y est faite selon les prin- cipes de la biodynamie, en tout respect de l’équilibre des écosystèmes. Seuls des vins mousseux de méthode traditionnelle y sont produits. Celui que je vous propose rappelle au nez la pomme, l’ananas, le miel et les fleurs. En bouche, vous serez conquis par une bulle franche et fraîche et des notes de citron et de poire.
Domaine pigeon hill, pigeon hill rouge, biologique
Disponible au domaine et en boutique spécialisée – 31,50 $
Ce vignoble situé à Saint-Armand, à proximité de la frontière améric- aine, est dirigé par Manon Rousseau et Kevin Shufelt. Ce couple a fait l’acquisition d’une terre en 2008 sur laquelle ils ont planté 4500 pieds de vigne. Depuis, ils y ajoutent 2000 pieds supplémentaires chaque année. Uniquement des cépages hybrides y sont cultivés. Le vignoble est travaillé de la manière la plus naturelle possible selon les principes de la permaculture, de sorte à favoriser au maximum la biodiversité. Cette cuvée, un assemblage de marquette, frontenac noir et petite perle, a fait un élevage d’environ 12 mois en barrique de chêne, ce qui lui donne tonus et structure. Elle n’en est pas moins gourmande, rappelant les fruits rouges avec un léger côté épicé. Les quantités sont limitées, et les ruptures de stock fréquentes. Suivez-les sur Facebook afin d’être à l’affût des arrivages.
les bacchantes, les vignes de bacchantes b1 2021
14722039 – 17,15 $
Ce vignoble situé à Hemmingford a été repris par Sébastien Daoust en 2017 après le décès de son père. Avec l’aide de deux collaborateurs de confiance et d’expérience, Thomas Lahoz et Geneviève Thisdel, il tient les rênes des 11 hectares de vignes. La cuvée B1 s’exprime à merveille dans ce millésime que beaucoup ont qualifié d’exceptionnel au Québec. Un assemblage à parts égales de seyval et de vidal qui donne un blanc frais et sec, mais qui ne manque pas de rondeur. Son amertume fait saliver et ouvre l’appétit. Ça sent l’apéro à plein nez !