L’humain est un être fondamentalement relationnel. Son besoin de s’allier à une communauté est imbriqué dans ses racines les plus profondes. Les rassemblements communautaires existent depuis aussi longtemps que les sociétés organisées. Au fil des années, l’importance de ces communautés a permis de renforcer les valeurs d’empathie, de partage, d’apprentissage et de fraternité.
Jadis, les humains se rassemblaient en groupe pour survivre dans un monde empreint d’imprévisibilité. Aujourd’hui, même si le besoin de se protéger des dangers n’est plus le même, celui de s’allier à un groupe coule toujours dans nos veines. Cette nécessité d’appartenance rythme les sphères relationnelles et dessine les communautés qui habitent notre monde.
Lorsque les humains s’allient, les soins personnels prennent la forme de soins communautaires, de cercles de croissance, de sororité et de fraternité. Regards sur des mouvements sociaux en plein essor.
Les soins communautaires
Les soins communautaires, connus dans les espaces communautaires et les mouvements sociaux, sont toujours en marge de la culture dominante.
Ils représentent une forme de compassion interpersonnelle vivante : une philosophie de compassion appliquée de manière intentionnelle et engagée. Des individus tirent volontairement parti de leurs privilèges afin d’être présents pour leur prochain, et ce, de mille et une manières. Cela peut être aussi simple que de tendre la main à quelqu’un dans un forum d’entraide numérique, ou d’accomplir les tâches d’une personne malade.
Dans une forme plus structurée, ces soins se déploient au sein de groupes de quartier et de soutien, de foyers communautaires et d’organismes à but non lucratif, en présentiel. À l’ère du Web, des groupes d’entraide naissent sur les réseaux sociaux et sur différentes plateformes numériques, et s’adressent à une myriade de communautés. La force du numérique est de pouvoir regrouper des communautés marginalisées ; des individus des quatre coins du monde vivant des problématiques similaires et faisant preuve d’empathie dans des moments difficiles. Dans la sphère numérique, les soins communautaires se produisent à un niveau tout aussi profond.
Les soins personnels sont parfois insuffisants pour accomplir le réel travail de guérison, explique Nakita Valerio, une organisatrice communautaire et chercheuse basée à Toronto. Pour aborder des problèmes systémiques et vaincre l’isolement social, nous avons besoin d’une communauté. Nous avons besoin de soins communautaires. Les soins personnels ne sont pas pour autant séparés des soins communautaires, puisqu’ils permettent aux individus de prendre soin d’eux afin d’être ensuite en mesure de prendre soin des autres.
Les cercles de croissance
Les cercles de croissance sont des espaces psychologiquement sûrs pour le partage et l’introspection. En tant que lieux de cocréation, ils permettent aux individus de se confier, de s’exprimer et de se développer, mais surtout de connecter et de se soutenir mutuellement. Cette expérience permet d’aborder la vie avec davantage d’ouverture et de détermination.
Les cercles de croissance peuvent être créés au sein des organisations, des communautés et même au sein des équipes de travail. En échangeant avec les siens sur différentes expériences et problématiques, les individus ont accès à un meilleur soutien dans la résolution de problèmes et renforcent leur sens de la résilience et de la communauté.
Les cercles de croissance agissent comme un pont entre le travail personnel et relationnel. Les thématiques abordées lors des échanges passent de l’individu (conscience de soi, amélioration des compétences, stratégies de croissance) à sa relation au reste du monde (gestion des relations, rapports aux pairs, résolution de conflits, réseau de soutien, influence et leadership).
Sororité et cercles de femmes
Pendant des milliers d’années, les femmes se sont rassemblées. Elles ont su, ensemble, créer des mouvements visant à abolir le système patriarcal. Leur force provient entre autres de leur capacité à se réunir.
Les cercles de femmes proposent un espace sécuritaire pour la connexion, le partage et l’autonomisation. Ils permettent aux participantes de partager leur vérité sans jugement et de s’affranchir de la peur.
Alors que nos sociétés glorifient les qualités propres à l’énergie masculine comme l’ambition, la productivité et l’accomplissement, les cercles de femmes puisent davantage dans la connexion à l’intuition, la créativité et la capacité de suivre les rythmes cycliques de la vie. Leur existence vise ainsi à rétablir l’équilibre entre le masculin et le féminin.
Qu’il s’agisse de rites de passage, de l’éducation des enfants, de la transmission des valeurs, du partage d’expérience, du tissage, de la cueillette et de la préparation de la nourriture pour la famille et le village, les femmes ont traversé la vie en se regroupant, et ce, depuis des générations. Aujourd’hui, les possibilités du cercle sont infinies : plein air, découverte de la nature, ateliers de croissance personnelle, cercles de lune, de danse, de chant, exploration du yoga et des sagesses anciennes, reconnexion aux ancêtres…
Avec un impact politique, certains cercles de femmes réclament leur pouvoir et leur autonomie alors que d’autres dénoncent des situations oppressives… Le « cercle » peut emprunter mille et une formes. Ensemble, nous sommes capables de nous unir vers un espace d’égalité, vers un objectif commun. Pouvoir, ensemble. Entre les rituels, la méditation, l’écoute profonde, le partage de vulnérabilités et le démantèlement des structures, le cercle de femmes vise à créer un espace inclusif, qui embrasse toutes les formes du féminin.
Fraternité et cercles d’hommes
Susceptibles de souffrir en silence, plusieurs hommes portent un poids immense qu’il est difficile de communiquer, entre autres en raison des perceptions archaïques, mais encore présentes sur la vulnérabilité et la sensibilité comme étant des caractéristiques uniquement féminines.
Les cercles d’hommes offrent ainsi un espace sécuritaire où les hommes peuvent être ensemble et ressentir la permission d’être vraiment eux-mêmes. Un type essentiel de fraternité pouvant même venir alléger certaines problématiques de santé mentale. Rappelant le voyage d’initiation, les cercles de fraternité sont une base solide pour une version saine de la masculinité, le développement de la résilience et la capacité à surmonter les défis.
La souffrance prend racine dans l’incompréhension des rôles dits « masculins», de la dichotomie entre courage et faiblesse. Les cercles permettent le partage d’expériences sans peur d’être étiqueté ou jugé, et sont une nécessité dans un monde où la vulnérabilité des hommes est réduite au silence. Cultiver la conscience de soi, comprendre son chemin de vie, développer le pardon pour soi et pour les autres, voilà tant de sphères à explorer.
Notre société actuelle perpétue les traditions anciennes et les schémas inconscients. Avec un espace où les hommes peuvent se lier en tant que frères et cultiver la conscience, une nouvelle voie est possible.
L’inclusion des personnes transe et non binaires dans un cercle
Pour qu’un cercle de femmes ou d’hommes soit ouvert aux personnes transgenres ou non binaires, certaines notions doivent être abordées.
Commençons par la base : les personnes transgenres ne s’identifient pas au genre attribué à la naissance, et ils ou elles entreprennent une démarche de transition pour vivre leur vie en concordance avec le genre auquel ils et elles sont en connexion profonde. À l’opposé, les personnes cisgenres s’identifient à leur genre de naissance.
Pour avoir un espace d’échange et de connexion accueillant pour ces personnes, il faut en faire plus. Par exemple, il est possible qu’une femme trans puisse avoir reçu différentes formes de rejets dans les espaces typiquement féminins. Pour éliminer le doute et être plus inclusif, on peut utiliser un langage aussi simple que :
- « Notre cercle accueille toutes les femmes, y compris les femmes cis et trans. »
- « Notre cercle accueille tous les hommes, y compris les hommes cis et trans. »
Ultimement, les cercles de femmes et d’hommes se basent sur les expériences communes des membres du cercle. L’inclusion des per- sonnes trans permet ainsi de mettre au service du groupe les points de vue sur le vécu féminin et masculin qu’elles apportent.
Les personnes non binaires n’ont pas un genre défini. Elles peuvent se sentir ni homme ni femme, les deux à la fois, ou une combinaison des deux. L’inclusion des personnes non binaires dans un cercle de femmes ou d’hommes invite à réimaginer ce que signifie le groupe. Le groupe est-il éduqué sur la non-binarité ? Une personne présentant une fluidité de genre sera-t-elle reçue avec autant d’ouverture et de chaleur qu’une personne typiquement féminine ou masculine ? Qu’est-ce que leurs expériences spécifiques de la féminité et de la masculinité peuvent apporter au reste du groupe ?
Pour accueillir les personnes non binaires dans un espace sécurisant, il est important de prioriser le langage non genré et de se familiariser avec l’usage des pronoms. Faire l’éducation nécessaire au sein du groupe est essentiel à ce que celui-ci soit tout autant ouvert aux personnes non binaires.
Ces réflexions nous amènent à nous questionner sur la place qu’occupe le genre dans ces cercles de partage. Un cercle axé sur le partage de valeurs et d’intérêts communs (plutôt que sur le genre) pourrait davantage répondre aux besoins de certaines personnes. Un cercle réservé aux diversités de genres aurait probablement sa place dans une démarche d’inclusion des identités marginalisées.
En somme
D’hier à aujourd’hui, nos ancêtres se sont réunis avec courage, résilience et compassion. Grâce à l’évolution de la technologie et au démantèlement des structures, nous pouvons désormais nous rassembler de manière plus facile, virtuellement ou pas. En nous regroupant à notre tour, nous perpétuons la tradition, honorons les générations qui ont ouvert la voie aux opportunités de se soutenir mutuellement et de célébrer !
Sources
1 Dienstman, Allison. Women’s Circles: A Sacred Space to Celebrate the Divine Feminine. Spirituality+Health, 2023.
2 Doll, Jayme. Men’s circles offer hope in a new kind of brother- hood tackling mental health. Global News, 30 décembre 2022.
3 Growth Circle. Growthbeans.com, 2023. [En ligne] [https:// www.growthbeans.com/growth-circle.html] (Consulté le 15 février 2023).
4 Samper, Laura. Circles of Men: Unveiling the power of shiva. Hridaya yoga. [En ligne] [https://hridaya-yoga.com/ blog/ brotherhood-circles-of-men/] (Consulté le 15 février 2023).
5 Scott, Rain. How to include trans and non-binary people in your women’s outdoor group. We Belong Outside, 14 octobre 2021.
6 Walsh, Lauren. Women’s History Month: Women’s Circles Then and Now. Global Sisterhood Org, 2023.