BIEN S’ENTOURER — Être informés et soutenus lors du moment le plus important de leur vie, voilà ce que recherchent les futurs parents. Surnommés « doulas », les accompagnantes et accompagnants à la naissance guident ces derniers afin qu’ils puissent faire des choix éclairés tout en leur offrant un soutien mental, physique et émotionnel durant la grossesse, l’accouchement et la période postnatale. Pour nous en parler, nous avons rencontré Annick Bourbonnais, présidente de l’Association québécoise des doulas (AQD), directrice de l’académie périnatale et créatrice et propriétaire du programme Hypnodoula.
Vous avez à ce jour accompagné plus de 300 naissances. Comment cette passion pour la naissance, la vie, et tout ce qui l’accompagne s’est-elle développée?
« Je suis née d’une maman qui avait une maternité à guérir, qui a vécu différents traumatismes liés à l’enfance et à la maternité. J’aime penser que je me suis probablement incarnée dans ce rôle, puisque j’ai été l’enfant dont ma mère a eu besoin pour se libérer de ses expériences passées.
L’accompagnement à la naissance est arrivé dans ma vie comme une évidence, il y a une dizaine d’années, alors que je travaillais au CHU Saint-Justine. Ma soeur était venue accoucher et c’est à ce moment que j’ai rencontré sa doula. J’ai été fascinée par son travail. Trois mois plus tard, quand je suis tombée enceinte, je l’ai contactée afin qu’elle m’accompagne pour la naissance de mon enfant, mais aussi professionnellement, puisque je souhaitais me réorienter vers le métier de doula. J’ai eu pour elle une sorte de coup de coeur professionnel. J’ai repris le chemin de l’école alors que ma fille n’avait que quatre semaines ! »
Dans l’imaginaire collectif, le métier de doula semble être une vocation qui dépasse la simple formation. Qu’en pensez-vous?
« Je crois simplement que nous, doulas, portons des histoires et des valeurs qui nous amènent à nous investir auprès de personnes qui s’apprêtent à devenir parents. Le métier de doula implique une dynamique de travail atypique : être de garde 24 heures sur 24, sept jours sur sept, et possiblement 365 jours par année. Il faut être passionné pour être prêt à affronter ce genre de contexte ! »
L’accompagnement à la naissance comporte plusieurs avantages. On parle de réduction du taux de césariennes, de diminution de l’utilisation de la péridurale et d’augmentation de la production d’ocytocine, de diminution de la durée du travail… En quoi l’accompagnement rend-il tout cela possible?
« Grâce à la préparation. L’accouchement est un processus physiologique naturel. Pour que le corps performe lors de l’accouchement, différents éléments doivent être rassemblés. Il faut tout d’abord être dans un bon état d’esprit.
Nous sommes tous porteurs d’histoires et de cultures qui influencent notre vision de la maternité, de l’accouchement et de l’allaitement. Cette mémoire s’inscrit depuis notre plus jeune âge. Heureusement, il est possible d’en prendre conscience pour se libérer de certaines préconceptions et appréhensions, et ainsi arriver à l’accouchement avec plus de souplesse et d’ouverture d’esprit. Par ailleurs, les hormones qui facilitent l’accouchement sont timides et facilement inhibées par l’hormone du stress, le cortisol. Si nous sommes dans un environnement qui nous paraît hostile, les pensées anxiogènes qui en découleront empêcheront le corps de fonctionner à son plein potentiel lors du travail.
Dans certains cas, les futurs parents sont aussi peu informés sur les processus physiologiques du corps humain, et se présentent à leur accouchement avec une préparation très aléatoire, de sorte qu’il est plus difficile de travailler avec le corps le moment venu. L’avantage de l’accompagnement est donc d’offrir aux futurs parents une meilleure compréhension du fonctionnement de leur corps, et de révéler de façon consciente leurs attentes (elles sont parfois inconscientes, mais il y en a toujours !) pour leur redonner du pouvoir. La culture actuelle entourant la naissance suggère que l’accouchement est quelque chose qui est subi plus qu’exécuté. On dira par exemple : “c’est ce médecin qui va m’accoucher”. L’enfantement est ainsi souvent perçu comme appartenant à un tiers, le personnel médical, alors que c’est la personne enceinte qui accouche. On permet ainsi aux futurs parents de s’approprier l’expérience qu’ils vont vivre. »
Les choix personnels quant à l’enfantement et la parentalité peuvent sembler polarisés : péridurale ou accouchement « naturel », milieu hospitalier ou maison de naissance, allaitement ou biberon… Comment percevez-vous ces différentes perspectives?
« Nous polarisons beaucoup ce qui a trait à la naissance et avons des idées arrêtées de ce que nous voulons, mais les futurs parents gagnent toujours à assouplir leurs intentions. L’accouchement est une expérience imprévisible, une histoire unique qui s’inscrit dans des circonstances sur lesquelles nous n’avons pas toujours le contrôle. Il est indispensable de pouvoir s’adapter et d’ajuster ses décisions au besoin. Nos choix ne sont jamais ni bons ni mauvais. Ils sont simplement influencés par les circonstances, les outils que l’on a, qui on est. Et ils peuvent évoluer. C’est par exemple fréquent de voir une personne qui n’allaitera pas son premier enfant, qui va tenter l’allaitement quelques semaines au deuxième, et qui va allaiter son troisième pendant deux ans. C’est ce qui arrive si on laisse les gens vivre leurs expériences sans tenter de les cadrer, de les étiqueter. »
Vous pratiquez aussi l’hypnose de naissance. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste cette pratique?
« L’hypnose est un état modifié de conscience. Chaque jour, nous traversons différents états de conscience, comme lorsque nous sommes dans la lune, entre la période d’éveil et de sommeil, lorsque nous méditons, lisons, ou regardons la télévision. Dans cet état, nous sommes en position de grande réceptivité. L’hypnose permet donc de travailler des thématiques ciblées. Dans mon cas, je m’intéresse à tout ce qui touche à l’accouchement, souvent avec l’objectif premier de permettre au corps de fonctionner à son plein potentiel lors du jour J. Hypnodoula est donc un mariage entre la relation d’aide et les outils d’autohypnose, et se déploie par la pratique et la mise en place de techniques, réflexions et discussions. »
Que trouvez-vous le plus difficile et le plus beau en tant qu’accompagnante à la naissance?
« Entre le début du travail (les premières contractions) et le moment où je rejoins les futurs parents à l’accouchement, ma vie est complètement en suspens. Il peut s’écouler une heure, douze heures, ou même une journée ! Mais l’attente en vaut la peine, car accéder à l’intangible et à l’extraordinaire qui se produit lors de l’accouchement est un
véritable cadeau. Un monde complet se transforme avec l’arrivée d’un bébé ; des parents naissent ou renaissent, une nouvelle famille vient au monde. Je crois sincèrement que nous devons nous réapproprier la grandeur et la magie de l’enfantement. Ma mission est justement de la remettre au premier plan. »
BÉNÉFICIER DE L’ACCOMPAGNEMENT À LA NAISSANCE
Association québécoise des doulas : AQDOULAS
Une première consultation de 30 minutes est offerte afin d’orienter les futurs parents dans leurs recherches et de bien cerner leurs besoins. Elle peut être un bon point de départ pour toute personne qui vient d’apprendre qu’elle attend un enfant. Le Réseau des centres de ressources périnatales du Québec (CRP) et les organismes communautaires peuvent aussi être consultés.