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La nordicité dans la peau ? Chaque individu, né ou non dans nos latitudes extrêmes, a une réponse bien personnelle à donner. Vivre l’hiver, l’embrasser et l’accueillir est un nouvel équilibre. On serait presque tenté d’affirmer qu’un nouveau style de vie s’est mis en place dans notre quotidien. Bienvenue à la gastronomie nordique, à l’apprivoisement tout en douceur des éléments et à un regard éveillé sur notre environnement. Pour autant, est-il terminé le temps où nous « endurions » l’hiver ? Les flocons ne glissent pas de la même manière sur chacun d’entre nous. Regards croisés de deux femmes sur leur relation avec la saison blanche.

Une nouvelle vie au sud pour ariane cloutier

C’est dans un avion pour Ouagadougou que j’ai rencontré Ariane en 2016. L’œil pétillant, la tête bouillonnante de projets, elle par- tait explorer les latitudes plus exotiques de l’Afrique de l’Ouest. Les promesses du soleil et de la chaleur l’attiraient, une façon d’adoucir les soucis d’une existence vécue à 100 milles à l’heure. Elle a continué à courir pendant des années, butinant d’un projet de travail à l’autre. Puis un jour, elle a fait ses adieux au Québec pour refaire sa vie sur l’île de Bonaire, au sud des Caraïbes. C’était il y a deux ans. À présent, l’expression « les plaisirs de l’hiver» est définitivement derrière elle.

« Mes parents n’étaient pas des fans de sports d’hiver, ça n’a jamais été plus important que ça pour moi », me glisse-t-elle depuis son patio aux allures de jungle tropicale. « Je vais même te le dire : c’est plus beau en photo qu’à vivre dans sa chair ! » Elle a beau être native de Saint-Jean-sur-Richelieu, l’hiver ne lui a jamais collé à la peau. Au-delà du froid, il y avait le stress d’un quotidien bien plus chargé que le reste de l’année. Déneiger son entrée au lever, gratter la voiture, river ses yeux sur une route capricieuse, matin après matin… une saison encombrante pour une femme pressée.

« Depuis que je suis ici, je ne me demande plus comment je vais m’habiller, c’est un style de vie au complet que j’ai quitté», me confie Ariane, les rives du Venezuela dans son horizon. « Ça m’amène une tranquillité d’esprit; l’hiver était pour moi un facteur de stress. Je viens au Québec pour Noël, mais rien ne me manque…» À 40 ans, c’est la paix intérieure et la simplicité qui se sont invitées dans sa vie. C’est à Bonaire qu’elle a rencontré celui qui deviendrait son mari, énergisée par de nouveaux défis sous le soleil. « Je préfère m’activer pour le travail plutôt que pelleter ! », ironise-t-elle avec un dernier clin d’œil.

high angle shot aesthetic salt pans bonaire caribbean 1 - ( Re)penser l’hiver

Les flocons ne glissent pas de la même manière sur chacun d’entre nous.

La nordicité dans la peau pour floriane trinel

Le désir de Floriane et de sa famille? Fuir la monotonie de la grisaille française hivernale. « Nous avions toujours cherché à apprécier les joies de l’hiver en France, mais ça manquait de gaieté par chez nous à Nantes. Et puis la saison était si courte, c’était difficile de pouvoir en profiter pleinement compte tenu des distances pour se rendre dans les Alpes pour skier par exemple. » En s’expatriant vers le Québec, le mot hiver prenait alors tout son sens pour Floriane. Sa quête hivernale l’a menée à poser ses valises dans la ville de Québec, là où les plaisirs de la neige sont à portée de main pour des mois.

« L’hiver est long, c’est certain, mais il me paraît tous les ans tou- jours trop court. Il y a tellement à vivre et à expérimenter ! », me souffle Floriane, déjà des flocons de neige plein les yeux en juillet. Toute la famille mord à pleines dents dans ce nouveau style de vie. Chaque bordée de neige et chaque temps libre sont des excuses pour embrasser la saison froide. L’hivernothérapie est devenue pour eux une façon de vivre pendant la moitié de l’année. « Je ne compte plus les endroits en ville pour m’amuser. Ne serait-ce qu’une balade au cœur d’un boisé, aménagé ou pas, pour moi l’émerveillement est à chaque coin de branche ! »

Collectionnant les expériences inédites comme le canot sur glace, Floriane profite des weekends et des retours de l’école pour trans- former son quotidien en dizaines de petits moments qui font la sève de sa nouvelle vie. La contemplation du fleuve gelé, le manteau blanc qui recouvre les paysages environnants, le bonheur d’un feu de cheminée et d’un chocolat chaud en retrouvant la maison… la France est bien loin. « Je me languis déjà de plonger dans la neige prochainement. » L’hiver ? Floriane et sa famille en redemandent !

Matrice d’inclusion 

Chaque année, nos sens sont invités à se réadapter à un tout nouvel environnement. Au-delà de ce cycle annuel, c’est bien notre vision profonde de l’hiver qui se transforme. Il n’est plus question de subir : l’ère de la nordicité est venue. Plus qu’une saison, l’hiver est un passage vers un nouveau mode de vie, presque un rite qui ne dit pas son nom.

C’est un peu grâce à François et Hélène, ma famille d’accueil à Thetford Mines, que je suis devenu ce transfuge passé de la pluie bretonne aux arpents de neige de Québec, 15 hivers plus tard. Peu à peu, ces derniers se sont adoucis, ont été apprivoisés. Dans ce monde soudainement silencieux, mes oreilles se laissent à présent caresser par le son de la glace qui flotte sur le fleuve, par un oiseau solitaire dans le lointain. Ma nordicité s’est construite dans le temps, à grands coups de shooters de caribou, de sorties à l’aréna, de raquettes dans le bois et de matins avec une pelle à la main. Ça ne me quittera plus, j’ai pris racine dans le banc de neige. Parce que la nordicité est désormais mon héritage, fièrement transmis.