Je voyais ce panneau vert au bout de la route. Il y avait des noms qui me donnaient des fourmis dans les mains; derrière ce morceau de tôle, la promesse de paysages qui me paraissaient plus excitants que la langue de bitume sous mes quatre roues. Sous la grisaille depuis des kilomètres, il semblait rayonner un soleil plus radieux derrière les villes inscrites sur ce panneau d’autoroute. Je me suis demandé ce que je faisais là. Quelques heures plus tard, j’avais troqué La Nouvelle-Orléans pour Birmingham. Habitué à vivre à mille à l’heure, j’avais une furieuse envie de ce qui fait le sel indispensable au voyage : l’imprévu. Changer d’avis comme de chemise, prévoir de ne rien prévoir, faire de l’improvisation son fil d’Ariane… et si c’était ça, le secret?
BIFURQUER À GAUCHE
L’idée selon laquelle demain, voire la prochaine heure, ne se déroulera pas comme convenu, scinde le monde en deux catégories de voyageurs : les premiers sont pétrifiés à l’idée de ne pas savoir à l’avance où ils dormiront ce soir, les autres, galvanisés de pouvoir enfiler leur chapeau d’aventurier. C’est sur cette route qui m’emportait en Alabama, il y a des lunes, que mon instinct de voyageur s’est transformé. Soudain, je n’avais plus de plan. En regardant à ma droite, je pouvais voir le sourire de ma femme, qui pétillait à l’idée de traverser Montgomery et toute l’histoire du vieux Sud à mesure que les pins d’Alabama défilaient. C’était elle qui ne voulait pas réserver d’hôtel, c’était elle qui trépignait de me faire ralentir pour mieux vivre. C’était déjà elle qui avait raison. Alors que le GPS me répétait de sa voix désincarnée et monotone « tournez à droite », je me suis vu lui couper le sifflet, un poids en moins sur les épaules alors que je faisais bifurquer le volant à gauche. Qu’importaient les kilomètres, les détours et les imprévus… ce nouvel état d’esprit, ce voyage qui se désorganisait partait d’un simple constat : les meilleurs moments, ceux qui restent imprimés pour toujours, sont bien souvent ceux que vous n’aviez pas prévus.
Orange Beach, Alabama, États-Unis
Photo : © Steven Van Elk
RESTER OUVERT
J’avais pensé mon voyage, réfléchi à mes étapes en amont, toutes programmées au jour près de la Floride à la Louisiane, sans la moindre « marge d’erreur ». Une chose est sûre, j’avais préféré continuer à rouler, m’arrêter au dernier moment dans cet hôtel qui me faisait de l’œil depuis des mois, sur un coup de tête. Parce que nous étions dans des régions moins touristiques, parce que nous étions hors-saison, tout concordait pour faire naître ce sentiment d’impunité du voyageur. Ce fut la liberté absolue, l’un des plus beaux voyages de ma vie. Cette révélation, cette façon de vivre le voyage pouvait tout à coup s’appliquer aussi bien à plus petite échelle, à un voyage au Québec par exemple. Si finalement la ville nous fatigue, que l’on préfère rejoindre la mer plus tôt que prévu, ou encore filer vers l’intérieur des terres parce que la météo s’annonce mauvaise, la spontanéité peut exaucer tous les vœux. Embrasser les imprévus, quitte même à les provoquer, c’était devenu mon nouveau point de mire sur cette route d’Alabama.
L’improvisation permet de dénicher de charmants hôtels.
Photo : © Bianca Des Jardins
L’ESPRIT D’IMPROVISATION
Cette agilité, elle s’est construite au fil des voyages, des compagnons de route, comme un nouvel esprit qui soufflait sur chacun de mes projets. Je voulais alors réagir en fonction de la situation et de mes envies. Je voulais suivre mes émotions. C’est en Malaisie que j’ai vécu récemment ce sentiment, transformé depuis mon retour en un « blues du voyageur» qui ne veut pas s’éteindre. Parti avec l’envie d’enlever le frein à main de mon quotidien, un désir de liberté pressant, je voulais rejoindre mon meilleur ami, lui-même parti suivre ses émotions aux confins de l’Asie. Autour d’un café sucré dans un kopitiam du quartier chinois de Kuala Lumpur, sans même nous parler, nous sentions passer ce courant de l’intemporalité qui glissait sur cet instant. « Tu sais ce que m’a dit Margot avant de partir ? », me lance-t-il. J’étais intrigué par ce que notre collègue avait pu lui glisser comme conseil. « Elle t’a dit quoi ? » « Elle m’a dit : “dis oui à tout !” » Ce fut, dès ces premières heures, le leitmotiv de ce voyage. Fut improvisée soudain la location d’une voiture, brisant mes carcans mentaux sur la difficulté des routes où l’on roule à gauche en Malaisie. De simples cafés du matin se sont prolongés sur des demi-journées, de nouvelles routes menèrent à des villages, des rencontres, des moments inespérés. L’improvisation nous avait rendus libres.
Rapporté à d’autres domaines, le don d’improvisation est depuis longtemps reconnu pour sa capacité à tirer de nouvelles idées de situations inédites. « L’esprit d’improvisation est un défi au sens créateur », rappelait déjà Charlie Chaplin. Dans sa forme la plus intense, l’improvisation appliquée au voyage reviendrait donc à rater volontairement sa correspondance, descendre du train avant le terminus, embarquer sur le traversier du quai voisin, histoire de voir ce qui vous attend. Une montée d’adrénaline des plus puissantes.
LE CONCEPT DE VOYAGEURS DU MONDE : LE VOYAGE DÉSORGANISÉ , OU PRÉVOIR DE NE RIEN PRÉVOIR
Décider en temps réel du cours de son voyage, modifier son itinéraire le jour même, écourter une étape, en prolonger une autre, changer de cap, voire de pays : Voyageurs du Monde vous propose d’explorer une nouvelle façon de voyager. En contact direct et permanent avec votre conseiller et le service de conciergerie local, vous inventez votre voyage suivant vos envies, votre humeur et ce que vous ressentez à l’instant T.
Séduit par l’idée de partir sans programme, ou simplement encore indécis? Parlez-en à votre conseiller : vous fixerez ensemble le point de départ et les grandes lignes de votre périple, le type d’hébergement que vous envisagez, et votre budget. La réservation de votre billet d’avion (ou de train) et de la première nuit sur place est effectuée. Vous partez avec les contacts essentiels, ceux de votre conseiller privilégié et de votre concierge à destination, un routeur wifi ou une carte eSIM, puis il ne vous reste plus qu’à suivre vos émotions et à improviser.