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DÉCOLONISER LES PENSÉES — Ambassadrice de la culture inuit, l’auteure-compositrice-interprète Elisapie Isaac travaille à la reconnaissance des difficultés historiques de son peuple. Dans un message intitulé « Très cher Québec » publié lors de la Journée nationale des peuples autochtones du Canada 2020, elle mit en lumière l’importance de reconnaître la « troisième solitude ». Celle qui a quitté sa terre natale, Salluit, pour découvrir Montréal nous invite à notre tour à rencontrer les Attikameks, les Cris, les Innus, les Naskapis, les Algonquins, les Abénaquis, les Malécites, les Micmacs, les Hurons-Wendats, les Mohawks et les Inuits. Puisque le territoire nous unit, puissions-nous entendre la sagesse de ceux qui étaient là avant nous.

L’IDENTITÉ AU CŒUR DE LA CRÉATION

Votre plus récent album « The ballad of the runaway girl » (La ballade d’une « fugueuse » au sens métaphorique) évoque le parcours d’une Inuk expatriée. Adoptée à la naissance, vous auriez affirmé que ce déracinement initial aurait eu un impact majeur sur votre parcours. Cette quête identitaire a-t-elle influencé votre carrière d’artiste ?

« Il est certain que ces introspections ont été un moteur de créativité. J’ai tiré profit de mon parcours pour créer. J’ai transformé les douleurs et les grandes joies en écrivant de la poésie et des chansons. J’ai chanté mes joies, j’ai chanté mes peines !

À la naissance de mon deuxième enfant, j’ai beaucoup réfléchi à ma propre adoption et à mes racines. J’ai connu un épisode postpartum durant lequel je me suis découverte. J’avais besoin de faire la paix avec moi-même et pour ce faire, j’ai aussi fait la paix avec ma maman biologique. Il ne s’agissait pas d’un épisode majeur, mais ça a été profondément libérateur. La maternité m’a appris à me reconnaître davantage, en toute vulnérabilité. Aujourd’hui, je suis capable d’embrasser ma culture, ma façon d’être.

C’est un grand accomplissement de me réveiller le matin et de me sentir heureuse. J’ai longtemps été guidée par les vagues de mes émotions, ce n’était pas toujours évident. Certains ont le bonheur facile, d’autres sont plus mélancoliques. De mon côté, j’ai dû apprendre à m’apprivoiser pour pouvoir m’aimer. Si l’on souhaite enseigner l’amour à nos enfants, on doit être capable de s’aimer soi-même ! J’ai aspiré à cette force, j’ai voulu incarner ma vérité afin d’être fidèle à moi-même et transparente auprès de mes enfants. Je souhaite qu’ils apprennent l’importance de s’aimer, avec tous nos défauts. Nous sommes humains, après tout ! »

« Actuellement, je nage entre les responsabilités et la liberté. Je suis de nature très spontanée, et c’est toujours un défi de faire côtoyer ces deux volets de ma personnalité; la femme forte et droite et celle en quête de liberté qui a besoin d’espace.

Lorsque je reconnecte avec mes racines inuites, je m’éloigne de la rigidité et de l’espace carré. Chez nous, le territoire est immense. Il nous rappelle que nous sommes tout petits dans un univers beaucoup plus grand. C’est un exercice de vulnérabilité de s’en souvenir au quotidien.

Je me connais maintenant mieux qu’avant et je sais ce que je dois faire pour trouver mon équilibre. Par exemple, lorsque j’ai mes règles, je sais que ce n’est pas le moment d’avoir certaines discussions avec mon chum !

Le cycle féminin est fascinant et mérite d’être honoré. C’est incroyable que ce soit encore tabou. En le démystifiant, on parvient à mieux vivre les choses.

Ce regard face aux menstruations fait partie de notre sagesse ancestrale. Auparavant, lorsqu’une jeune fille avait ses règles, elle était isolée durant quelques jours, puis il y avait un rituel de tatouage. Ayant été christianisés, nos coutumes ont été bannies. Depuis quelques années, elles reviennent progressivement et l’on souhaite à nouveau souligner les passages importants de l’existence en pratiquant certains rites. Sans les rituels et les rites de passage, nous sommes démunis. Sans spiritualité, nous sommes sans repères. Notre façon de voir la vie est connectée à notre territoire et il est essentiel de se le réapproprier. »

L’APPEL DE LA GUÉRISON

Les pow-wow (rassemblements des Premières Nations) et la pratique du tambour étaient jadis criminalisés. Ces traditions reviennent progressivement dans les communautés et l’on assiste à un intérêt grandissant pour les coutumes issues des communautés autochtones. Comment percevez-vous cette évolution ?

« Je perçois cela comme le retour de la vérité, le retour du balancier. Lorsque je vois des aînés qui ont subi de telles violences apprivoiser à nouveau le tambour et le chant, j’entends l’appel de la guérison dans ces voix. Nous avons besoin de l’art. Nous avons besoin de la musique. Nous avons besoin de renouer avec la sagesse de nos ancêtres pour guérir. »

« Chez nous, le territoire est immense. Il nous rappelle que nous sommes tout petits dans un univers beaucoup plus grand. »

 

ÊTRE UN BON ALLIÉ

La nouvelle décennie a soulevé son nombre de revendications. On parle notamment de l’importance de reconnaître les communautés autochtones. On parle de privilège blanc, de douleurs qui se transmettent de génération en génération et d’antiracisme. Comment les Québécois peuvent-ils être de bons alliés envers les différentes communautés autochtones ?

« Par l’apprentissage, par la curiosité ! On voit les Autochtones comme un seul bloc. Pourtant, il y a onze communautés distinctes sur notre territoire avec des coutumes et des langues uniques. Il y a eu des Premières Nations dans chaque région du Québec. En s’intéressant au territoire ancestral, on redécouvre l’histoire.

Certaines personnes cherchent à rencontrer les communautés avant même d’avoir fait un travail personnel préalable. Je crois qu’il ne faut pas forcer les choses. Chaque chose viendra en son temps. Saviez-vous que si un aîné d’une communauté vous rencontrait, il voudrait probablement vous serrer dans ses bras ? La réconciliation est possible. Let it out !

Il faudrait aussi revoir la vision colonisée et décoloniser les pensées. Réfléchir à un meilleur système pour les communautés. Défaire les structures qui ne fonctionnent pas. Pour guérir, il faut également se réapproprier ce que le système nous a pris. Réapprendre l’histoire. Redécouvrir notre territoire. Revivre nos coutumes. Que ce soit le chant, la chasse, le kayak. Je ne veux pas que les gens se sentent attaqués, car c’est ce qui nous divise. C’est en s’ouvrant à l’autre qu’on peut guérir collectivement.

Les Autochtones ont tellement moins d’opportunités que les personnes blanches. Lorsqu’une personne blanche souhaite s’impliquer dans notre culture, pourquoi ne pas le faire en offrant une opportunité ?

Le système éducatif pourrait aussi intégrer la culture autochtone à son programme. Pourquoi ne pas s’intéresser aux communautés qui résidaient sur cette terre autrefois ? On pourrait apprendre aux jeunes le langage qui y était jadis parlé et les coutumes qui y étaient pratiquées. Ce serait tellement stimulant et rassembleur que les jeunes apprennent ce genre de choses à l’école ! Est-ce que cela va se concrétiser dans le futur ? Je l’espère. »