Le rôle de proche aidant, bien que capital et gratifiant, est aussi très exigeant. Parce qu’il implique souvent un don de soi immense, il peut à la longue être lourd à porter, entraînant un surmenage qu’il est parfois difficile de renverser. Pour en savoir plus au sujet de la fatigue émotionnelle chez le proche aidant, nous avons discuté avec Michelle Lefebvre, travailleuse sociale, animatrice du groupe Traverser un deuil et coanimatrice d’une communauté de partage entre proches aidants au Monastère des Augustines.
Qu’est-ce que la fatigue émotionnelle chez le proche aidant ?
La fatigue émotionnelle, aussi appelée usure de compassion, se définit par une profonde érosion physique et émotionnelle qui empêche l’individu de se ressourcer et de retrouver son énergie1. C’est un épuisement profond et complexe qui mérite qu’on s’y attarde, car il ne s’en va généralement pas de lui-même. Même si cela aide, cet épuisement ne disparaît pas simplement après une bonne nuit de sommeil.
Comment cette fatigue survient-elle ?
Celle-ci arrive peu à peu dans la vie du proche aidant. Puisqu’il pense pour deux, fait pour deux, il aura tendance à s’oublier au profit du bien-être de l’être cher. Toute son énergie et sa compassion sont investies dans l’autre. L’équilibre entre ses propres besoins et ceux de l’autre est rompu, ce qui engendre un épuisement. Ses ressources d’énergie, d’empathie, d’amour et de bienveillance sont surutilisées sur de longues périodes, ce qui peut compromettre son équilibre émotif.
Quels sont les signes ?
Les signes de la fatigue émotionnelle peuvent être nombreux. On pourra entre autres remarquer un manque d’enthousiasme et d’en- train chez la personne, une certaine impatience, et un changement dans la sensibilité. Le proche aidant peut par exemple devenir hypersensible, ce qui provoque des réactions démesurées dans des situations auxquelles il n’est pas habitué à réagir si fortement. À l’opposé, il peut devenir impassible, presque apathique. Dans les deux cas, le proche aidant peut en arriver à ne plus se reconnaître lui-même tant sa façon d’appréhender le quotidien a changé.
Que peut-on faire pour accompagner un aidant souffrant de fatigue émotionnelle ?
Pour soutenir un proche aidant, son entourage peut : Commencer par reconnaître que la situation dans laquelle il se trouve est éprouvante, et souligner son implication afin de lui démontrer qu’il est vu, entendu, compris.
L’inciter et l’aider à prendre soin de soi. Souvent, après plusieurs années passées à mettre quelqu’un d’autre que lui-même en priorité, le proche aidant aura oublié quoi et comment faire pour être bien. Son entourage peut alors essayer de le guider en lui demandant quelle serait la plus petite chose qu’il pourrait faire afin de se rapprocher de ses besoins ou de ce qu’il aime.
Offrir du temps à l’autre, soit en prenant le relais auprès du proche aidé, ou en faisant une activité avec le proche aidant. S’il ne sait plus ce qu’il aime faire ou ce qui lui ferait du bien, le meilleur moyen de le savoir est d’essayer des choses. Normalement, on réfléchit à ce qu’on aime, et on le fait ensuite, mais quand on est moins connecté à soi, il faut parfois faire avant de ressentir. L’action renseignera le proche aidant sur ce qui l’aide ou pas.
Comment éviter d’en arriver à cette épuisement ?
Il s’agit d’un travail de tous les jours. Pour prévenir l’épuisement émotionnel, il faut être vigilant envers son propre équilibre, se garder de l’énergie pour soi. Si on est bien entouré, on peut également remplir ses réserves d’amour, de bienveillance et d’attention en acceptant d’en recevoir de la part de ses proches. Il est important de rappeler au proche aidant qu’il a lui aussi le droit de recevoir, et qu’il est tout à fait souhaitable qu’il nomme ses besoins, quand il les connaît, et qu’il ose demander de l’aide, même s’il ne sait pas par où commencer.
En tant que membre de la famille, conjoint ou ami, on peut aller au-devant des besoins de l’autre et lui proposer quelque chose. Il est parfois plus facile d’accepter de l’aide ou de poser un geste pour soi quand une proposition claire nous est faite.
En plus d’être réticent à prioriser ses be- soins, le proche aidant ressent souvent de la culpabilité face à sa propre santé, alors même que celle de son proche se détériore. Il se dit qu’en comparaison, il n’a aucune rai- son de se plaindre. Il faut donc lui rappeler qu’il peut et doit poser des gestes afin de conserver cette santé, physique aussi bien qu’émotionnelle, afin de pouvoir continuer à aider l’être cher.
Bien souvent, nous pensons que la solution à un problème réside dans un grand change- ment, alors qu’elle est la plupart du temps constituée d’un ensemble de petites choses. Elle est la somme de plusieurs petites actions, répétées fréquemment, de façon constante. De la même manière qu’arrive l’épuisement, le retour à l’équilibre ne peut se faire que graduellement, en agissant avec intention pour son propre bien-être, et c’est l’accumulation de ces actions au fil du temps qui permettra de renflouer les coffres d’énergie. Après tout, il s’agit aussi de la manière dont on prend soin du proche que l’on accompagne.
Le Monastère des Augustines est un havre patrimonial de culture et de mieux-être situé au cœur du Vieux-Québec. Cet organisme à but non lucratif offre un espace inédit de repos, de partage, de réflexion et d’inspiration à ses invités grâce à ses services d’hôtellerie, de restauration, de massothérapie, d’expérience muséale et plus encore. Le Monastère s’engage socialement auprès des personnes proches aidantes en leur offrant des séjours de répit à prix solidaire et des activités qui leur sont dédiées. Un lieu qui cultive les valeurs d’hospitalité, de compassion et de bienveillance depuis près de quatre siècles.
Information et ressources :
Regr Information et ressources : oupement des aidants naturels du Québec ranq.qc.ca
Conseils et écoute :
L’Appui national et ligne d’écoute Info-aidant
1 855 852-7784
Source
1 Auteur inconnu. (2020, 2 octobre). L’usure de compassion : comment la reconnaître et la prévenir ? L’Appui pour les proches aidants. https://www.lappui.org/fr/actualite/l-usu- re-de-compassion-comment-la-reconnaitre-et-la-prevenir/