TEMPS D’ARRÊT — Après avoir retiré peignoir et sandales, vous vous immergez complètement dans un bassin chaud au spa. Ce moment, vous en avez tant rêvé ! Vous passez tellement de temps à prendre soin de votre famille, à tenter d’atteindre les objectifs au travail, et bien sûr, à entretenir vos relations sociales que vous attendiez avec impatience ce temps de relaxation. Vous commencez tranquillement à vous détendre, à profiter du silence, rare et réconfortant, quand soudainement, la culpabilité pointe le bout de son nez : « Comment se débrouille mon ou ma partenaire avec les enfants à la maison? Devrais-je annuler mon massage pour faire avancer ce projet urgent au travail ? Ce moment pour moi était-il vraiment nécessaire ? » Ces questions font naître dans votre esprit cette émotion que tout le monde vit, mais dont on parle encore très peu. Regardons de plus près la culpabilité, afin de l’aborder dans toute sa complexité.
la culpabilité, une émotion au service de l’autre
Nous avons tous déjà ressenti de la culpabilité. S’il est vrai que cette expérience émotionnelle est désagréable, nous ne prenons pas toujours conscience qu’elle est au service de l’humanité. En effet, la culpabilité peut être catégorisée comme une émotion morale qui a pour but de guider nos actions vers l’intérêt collectif plutôt que l’intérêt individuel. Elle peut aussi être qualifiée d’émotion sociale, c’est-à-dire qu’on peut la ressentir lorsque nous sommes en contact avec les autres. Concrètement, on se sent coupable lorsque nous évaluons que nous avons transgressé une norme morale en causant du tort à une autre personne (ou même à un animal). La culpabilité nous amènera à réparer la faute que nous aurons commise.
Imaginons par exemple que vous êtes devenu parent pour la première fois il y a à peine huit mois. Cette précieuse beauté a toutefois bon appétit… la nuit! Le manque de sommeil vous conduira sûrement à être plus inattentif et déconcentré. Autrement dit, vous mettez le beurre d’arachides dans le micro-ondes et votre cellulaire dans le réfrigérateur. Ce n’est donc pas surprenant que vous ayez oublié d’appeler votre amie pour son anniversaire. C’est bien parce que vous ressentez de la culpabilité que vous prendrez le temps de lui téléphoner, de lui offrir vos excuses, et peut-être même de l’inviter à prendre un bon café.
Cette situation représente parfaitement l’un des bénéfices de la culpabilité. En effet, en plus de vous amener à réparer ce que vous percevez comme une transgression, la culpabilité anticipée que nous pourrions ressentir dans certaines situations nous conduit à nous abstenir de poser certaines actions. Supposons que vous êtes tenté de manger les chocolats d’Halloween de votre enfant lorsqu’il est couché (classique !). C’est votre culpabilité qui vous motivera à ne pas le faire. Finalement, la culpabilité est aussi utile pour renforcer les liens sociaux. Plus précisément, se sentir coupable est associé à notre empathie. Ainsi, montrer à l’autre que vous vous sentez inconfortable face à une action posée lui suggère que vous tenez à la relation, et que vous êtes attristé par le tort que vos gestes lui ont fait subir.
la culpabilité parentales scrutée à la loupe
Seulement, la culpabilité n’est pas innée ; elle s’acquiert et se développe avec le temps. Il s’agit d’un apprentissage qui se fait dès la petite enfance. Ainsi, certaines personnes sont plus susceptibles que d’autres de se sentir coupables. Pour les parents d’aujourd’hui, ressentir cette émotion découle bien souvent d’attentes élevées et d’une perception intégrée de ce qu’est un « bon» parent. Par exemple, les mamans peuvent percevoir qu’elles doivent majoritairement consacrer leur temps à leur famille. À noter que, même si les mots sont souvent utilisés de façon interchangeable, la honte et la culpabilité sont des concepts différents. Alors que la culpabilité suit une action inadéquate isolée, la honte renvoie au sentiment que notre personne entière est fautive, en se disant par exemple : « je suis une mauvaise personne ». De ce point de vue, la honte fragilise davantage l’estime personnelle et la santé psychologique de façon générale. Par ailleurs, si la culpabilité dans la parentalité peut s’avérer utile, comme lorsque vous vous excusez à votre enfant pour votre impatience, la honte ressentie de façon répétée est davantage le symptôme d’une psychopathologie telle que la dépression.
Bien sûr, les papas comme les mamans peuvent ressentir de la culpabilité dans leur rôle parental. Toutefois, les attentes sociétales basées sur les images véhiculées sont différentes. À cet effet, certaines études ont permis d’observer que les femmes ressentaient davantage de culpabilité que les hommes. Il n’est donc pas étonnant que l’on entende plus souvent dans le langage courant les mots « culpabilité maternelle » et non « culpabilité paternelle ». Dans tous les cas, dans la parentalité, l’enjeu ne réside pas toujours dans la faute que vous auriez commise, mais bien dans la culpabilité que vous pourriez ressentir parce que vous avez l’impression de ne pas répondre aux hautes exigences que vous avez intégrées face à ce rôle.
l’autocompassion : un remède pour diminuer son sentiment de culpabilité
L’autocompassion invite à se traiter soi-même avec autant de gentillesse et de compréhension qu’on le ferait avec un ou une ami(e). En effet, les exercices d’autocompassion démontrent que les attentes que vous avez envers vous-même sont supérieures à celles que vous avez envers toute autre personne. Développer votre autocompassion est une opportunité de reconnaître et d’accepter votre propre ressenti plutôt que de chercher à vous mettre constamment dans la position de « faire toujours mieux».
Revenons à l’exemple de la culpabilité ressentie alors que vous prenez du temps pour vous. Que diriez- vous à un autre parent qui vous fait part de ce même sentiment? Votre réponse serait probablement qu’il fait bien de prendre du temps pour se ressourcer, qu’il peut faire confiance à son ou sa partenaire pour prendre soin des enfants et que le projet au travail peut bien attendre. Pour vous soutenir dans votre cheminement vers l’autocompassion, prenez le temps d’écrire ce que vous diriez à votre ami(e), puis, ce que vous vous diriez dans le même contexte. Remarquez-vous des différences dans le contenu? Avez-vous l’impression que le ton est différent entre votre discours interne et celui que vous communiquez à un proche ? Relevez les éléments qui soutiennent votre autocompassion pour pouvoir les appliquer (et les répéter!) consciemment dans votre quotidien.
La culpabilité est une émotion aussi salutaire pour vous que pour les autres. Encore faut-il être capable de la ressentir de façon équilibrée, et non de manière envahissante. Prenez le temps de l’observer, afin de mieux reconnaître et comprendre cette émotion. Cela vous permettra de voir si cette dernière est justifiée… ou si vous vous autorisez simplement à profiter de votre moment bien-être au spa!