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SON HISTOIRE — Rebecca Makonnen est une animatrice de radio et de télévision canadienne. Elle est actuellement à la barre de l’émission de radio On dira ce qu’on voudra sur ICI Radio-Canada Première, en plus de coanimer à la télévision Esprit critique (ICI ARTV). En 2018, elle a été porte-parole de la campagne nationale de l’Appui afin de soutenir et d’encourager les proches aidants à demander de l’aide.

LES DÉBUTS

Ma mère était une femme monoparentale, autonome, très fière, très indépendante. Au fil des ans, nous avons fini par réaliser qu’elle était atteinte de la maladie d’Alzheimer, une maladie qu’elle redoutait beaucoup. C’est surtout grâce à ma soeur Sophie que nous nous en sommes rendu compte. Ma soeur habitait alors à l’étranger, et bien que je réalisais que quelque chose clochait avec maman, quand Sophie revenait, ça se confirmait. Parce que c’était ma mère, parce que c’était mon seul parent, parce que je l’aimais, je me suis naturellement retrouvée à m’occuper d’elle, à être la première répondante, en quelque sorte. J’étais très jeune. Je n’ai pas de regrets, mais c’est comme si, à l’âge où je devais avoir des enfants et fonder une famille, je me suis occupée de ma mère. Parallèlement, je m’occupais également de mon conjoint de l’époque, qui souffrait d’un cancer du sang. Les années 2009 à 2011 n’ont pas été des années faciles.

LA PRISE EN CHARGE

Ma sœur, qui revenait souvent à Montréal, a été la première à penser aux documents juridiques, mandats d’inaptitude, papiers notariés. Elle s’est dit : « Il faut le faire pendant que maman est encore lucide. » On voulait pouvoir prendre des décisions pour elle si ma mère n’en était plus capable. On ne connaît pas nécessairement toutes ces démarches, mais elles sont essentielles et surtout, nécessaires. À qui appartient la maison ? Est-ce que la personne veut être maintenue en vie ? Ce sont des questions qu’il faut se poser. C’est tentant de faire l’autruche, surtout quand nos parents sont en bonne santé. Mais ils vont finir par mourir un jour, donc pourquoi ne pas être un minimum préparé ? Surtout que si la maladie débarque, vous aurez d’autres soucis, vous serez complètement dévastés. Tout ça est dur, très dur. Mais c’est la vraie vie.

L’ISOLEMENT

Les proches aidants ont tendance à s’isoler, par choix ou non. D’un côté, on a moins de temps pour la vie sociale, pour les amis, pour les rencontres. On passe notre temps soit avec la personne dont on s’occupe, ou alors tout seul, à essayer de récupérer. Et de l’autre, on ne veut pas accabler notre entourage avec ça. Moi, étant assez jeune, je me disais aussi que les gens autour de moi ne pouvaient pas comprendre, qu’ils n’étaient pas rendus là dans leur vie. Ça crée donc une drôle de spirale où, rapidement, on se retrouve seul, épuisé, et où on réalise qu’on n’y arrivera pas. Aussi, on ne se rend pas nécessairement compte tout de suite qu’on est un « proche aidant ». Moi, je me suis dit : « Je suis la fille de ma mère, je suis la blonde de mon chum, c’est ma job. » C’est après coup que je me suis reconnue dans ce rôle-là. Prendre conscience assez tôt qu’on est un proche aidant, permet, je l’espère, d’avoir rapidement le réflexe de penser aussi à soi, de ne pas s’oublier.

LA DEMANDE D’AIDE

Dans la vie, je suis une personne assez pudique, qui n’aime pas trop se dévoiler. Mais j’avais besoin d’aide, mon corps et ma tête me le disaient. Alors j’ai fait des recherches, et j’ai trouvé un groupe de soutien, mais loin de chez moi, parce que je ne voulais pas étaler ma vie privée dans mon quartier. Je suis allée à des rencontres tous les lundis soirs pendant huit semaines, dans un CHSLD de Pointe-Claire. J’avais besoin de savoir ce qui allait arriver ensuite, et de briser mon isolement. J’y ai constaté que je n’étais pas seule. Que ce soit un groupe de soutien, un accompagnement, ou simplement une écoute ou des conseils, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide. C’est ce que j’ai aimé de l’Appui : la portion écoute, où tu peux poser tes questions, toutes tes questions. La maladie est déjà écrasante à elle seule, on ne veut pas être pris de court en plus parce qu’on n’a pas de réponses à nos questions.

Il n’y a pas de honte à demander de l’aide. Je comprends qu’il y a parfois une certaine part de gêne à admettre qu’on a besoin de quelqu’un d’autre, mais loin d’être un signe de faiblesse, c’est plutôt un signe d’intelligence émotive.

LA CULPABILITÉ

Pour un proche aidant, la charge mentale est immense. Et comme si ce n’était pas assez, on ressent souvent de la culpabilité liée à la manière dont on fait les choses. C’est dur, de dealer avec la culpabilité. Moi, par exemple, mon plus grand défaut est l’impatience : ce n’est pas facile d’être patient avec quelqu’un qui te demande tout le temps de répéter. Je m’en veux encore d’avoir manqué de patience avec ma mère, plusieurs fois… Mais ce genre de choses est aussi normal, il ne faut pas être trop dur avec soi-même. On fait toujours du mieux qu’on peut avec les moyens qu’on a.

ET APRÈS ?

L’alzheimer, c’est prendre soin de quelqu’un qui n’ira jamais mieux. C’est un accompagnement, et c’est là que les rôles se renversent. Dans mon cas, je suis devenue la maman de ma mère. Au moins, elle m’a toujours reconnue, jusqu’au dernier moment. Elle se souvenait que j’étais sa fille, même si elle ne se rappelait plus trop qu’elle avait été mariée. Sa maladie nous a beaucoup rapprochées, ma mère et moi, mais l’expérience a aussi été profondément épuisante, physiquement et émotivement. Très égoïstement, un côté de moi a donc été soulagé quand ça a été fini. Et j’en suis sortie plus résiliente : j’ai pris conscience que j’étais plus forte que je ne le pensais, même si j’étais parfois tannée d’être forte. D’avoir été proche aidante si tôt m’aide aujourd’hui à mieux accompagner mes amis qui le vivent à leur tour. Et je sais aussi à quel point, dans notre société souvent en manque de compassion, les proches aidants sont un modèle d’empathie, comme des phares dans la nuit qui nous rappellent notre humanité.