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Anaïs Barbeau-Lavalette est scénariste, réalisatrice et romancière. Elle est également cofondatrice, avec l’écosociologue Laure Waridel, de Mères au front, un mouvement qui rassemble des mères et des grand-mères, et qui a pour but la protection de l’environnement et de l’avenir de leurs enfants. Engagée et inspirante, elle nous partage le fruit de sa réflexion sur son processus créatif, et sur la place des rencontres qui transforment.

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Bonjour, Anaïs. Que pourriez-vous nous dire sur le rôle que joue le récit dans votre vie ?

Anaïs Barbeau-Lavalette

« D’abord, comme lectrice, les fictions, les essais ont comme effet de m’élargir, de me rendre plus vaste. Ce sont des révélateurs de portes que j’ai à l’intérieur de moi, mais dont j’ignore jusque-là l’existence. Certaines lectures viennent donner un coup de pied dans une porte, ou en ouvrir d’autres délicatement, dépendamment de la lecture et du type de plume. Il y a des bouts de moi, jusqu’alors en dormance, qui sont révélés par la fréquentation de certaines voix. Ça, j’aime ça. Ça me fait ça aussi quand je rencontre des gens uniques, dans le sens où la rencontre d’une œuvre peut facilement être comparée à la rencontre de quelqu’un de singulier. Ces rencontres peuvent être marquantes, influencer ma trajectoire de vie, si je m’y ouvre et que je me laisse y être poreuse.

En tant qu’autrice, évidemment, mon travail naît d’un désir de raconter une histoire. Et peu importe ce que je raconte, je choisis toujours avec soin mes sujets, parce que je sais qu’ils vont m’habiter d’une façon profonde et durable. Je n’écris pas un livre en une semaine, ni un scénario d’ailleurs, alors je pense mes sujets en sachant que nous cohabiterons longtemps.

C’est toujours particulier de parler de l’état de création, parce que c’est tellement fragile et intime. C’est sans doute une disposition très rare, une qualité de présence, encore là, très rare, très vulnérabilisante. Ça demande une ouverture entre soi et soi, sans défense, qui n’arrive pas souvent dans le monde ordinaire. Au quotidien, on est rarement aussi directement branché sur son essence. C’est ce qui rend l’écriture précieuse et particulière : l’état d’écriture, surtout littéraire, qui ne ressemble à à peu près rien d’autre. »

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Quels sont, pour vous, les éléments essentiels à l’atteinte de cet état d’écriture ?

Anaïs Barbeau-Lavalette

« Ce n’est pas quelque chose qui peut se forcer. En revanche, il y a naturellement des dispositions favorables. Pour écrire un roman… je fais la distinction, parce qu’il y a quelque chose de plus mathématique, de beaucoup moins intime dans l’écriture d’un scénario. Ça ne veut pas dire que c’est plus facile à écrire, mais disons que je n’ai pas besoin de la même introspection.

Donc, pour écrire un roman, normalement, il faut que je m’isole. Je vis très entourée, j’ai trois enfants, mon chum est travailleur autonome, on n’a pas d’horaires fixes, donc il faut tricoter des petites alcôves de temps. J’aime provoquer des résidences d’écriture où je m’extrais de ma vie habituelle, souvent à la campagne. Récemment, j’ai pris l’habitude d’aller écrire près du fleuve, parce que le fleuve Saint-Laurent m’inspire, même si ce n’est pas nécessairement sur lui que j’écris. Sa présence me nourrit beaucoup, de plein de façons.

Quand je m’isole, je n’ai pas absolument besoin d’être seule ; je peux être entourée de d’autres qui ont le même désir de créer. Ce qui compte est le silence, pour être vraiment juste entre soi et soi. On peut être dix dans la même maison ; chacun se lève tôt et entre en création en préservant sa petite bulle, puis on se retrouve après pour échanger.

La nature m’est aussi essentielle. Sans doute parce que j’ai une vie urbaine super animée avec beaucoup d’amis et beaucoup de vie autour de moi. Je pense que c’est une histoire de contrastes. »

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Justement, vous mettez souvent de l’avant, dans vos romans, des sujets qui s’opposent : la mort qui fait partie de la vie, le besoin de fuir ou de rester, l’extraordinaire dans l’ordinaire. Le faites-vous de façon volontaire ?

Anaïs Barbeau-Lavalette

« J’aime bien réfléchir à l’humain dans ses extrêmes. J’ai l’impression que souvent (et je m’inclus là-dedans), on prend un raccourci et on se définit d’une seule couleur, alors que je pense qu’on est beaucoup plus complexes que ça. Nos extrémités se révèlent par rapport à ce qu’on rencontre. Il faut donc se permettre de rencontrer des matières, des langages, des œuvres qui nous bousculent et qui nous amènent dans un extrême ou dans l’autre. Ce serait vraiment plate de se résumer soit à la douceur, soit à la sauvagerie… Ce qui est magnifique, dans l’être humain, c’est qu’on est habité de tous ces extrêmes-là, et souvent, quand on écrit, on est poussé à réfléchir à tout ça. Si j’écris Femme forêt ou Femme fleuve, je me rends rapidement compte que la beauté, ce n’est pas juste doux et apaisant, c’est aussi tragique et violent. Ce que je trouve extraordinaire, dans la petite enfance, c’est qu’elle n’est pas juste réconfortante, elle est brutale, cette petite vie naissante-là me ramène directement à la mort. Tout ça me fait prendre du recul sur la condition humaine, et je trouve ça fascinant de la regarder à travers tous ces spectres. »

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La liberté est un sujet qui domine aussi vos récits. Parmi les métiers que vous exercez, l’un vous fait-il sentir plus libre que les autres ?

Anaïs Barbeau-Lavalette

« L’écriture est le métier où je me sens le plus libre. C’est particulier, mais je me fais presque une obligation de liberté en écriture. Ça fait vraiment partie du plaisir, depuis le début. Même si j’ai écrit des choses qui pouvaient être difficiles, par exemple dans la Femme qui fuit [NDLR : le roman retrace le récit de Suzanne Meloche, sa grand- mère, qui a abandonné ses enfants lorsqu’ils étaient très jeunes]. Je tiens toujours à avoir un réel plaisir à écrire, et une réelle liberté à plonger les mains, oui dans le réel si le réel m’inspire, mais à me nourrir totalement et librement de mon imaginaire et de ce que la vie m’inspire. Quand tu écris un livre, c’est à la fois le plus grand risque, parce qu’il n’y a rien pour te couvrir, c’est toi et tes mots, mais c’est aussi la plus grande liberté. »

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Vous avez commencé à écrire des romans plus tardivement dans votre carrière. Comment cela est-il arrivé ?

Anaïs Barbeau-Lavalette

« J’écris depuis que je suis toute petite. J’ai toujours aimé écrire, mais vraiment pour le plaisir. Mon métier principal avait toujours été, jusqu’à tout récemment, cinéaste. Dernièrement, je dis que j’ai deux métiers, mais c’est récent que je l’assume.

C’est tellement un immense cadeau que je sois lue, que les gens soient reconnaissants et qu’ils cueillent mes mots, qu’ils me comprennent et qu’ils me suivent où j’ai envie de les amener. Il y a quelque chose de bouleversant là-dedans, parce que j’ai besoin d’écrire, donc j’écrirais même si je n’étais pas lue. Mais de savoir qu’en plus, ces mots-là peuvent raisonner et s’inscrire chez les lecteurs, que ça fait bouger certaines choses en eux… Les plus grands et les plus bouleversants témoignages que j’ai reçus, c’est après des livres plus qu’après des films, alors que j’adore aussi mon métier de cinéaste. Bref, j’ai l’impression d’être encore naissante comme autrice, alors que je suis dans un chapitre, je dirais, plus mûr dans mon cinéma. »

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Comment entrevoyez-vous la suite des choses ?

Anaïs Barbeau-Lavalette

« J’ai besoin de faire les deux, ce qui est assez magnifique. Ce n’était pas calculé, mais les deux se nourrissent l’un l’autre. Après avoir traversé l’immense tempête qu’est un film, qui est une grosse aventure, galvanisante, chargée… ce qui m’aide à me retrouver et à recoller celle que je suis rendue (parce que je pense qu’on se transforme, d’une aventure créative à l’autre), c’est l’écriture. L’écriture me permet cette introspection-là, de me re-rencontrer à chaque fois. C’est super sain, j’aime vraiment ça, donc je crois que je n’arrêterai jamais ni un, ni l’autre. C’est un jeu d’équilibre intime, personnel, et même créatif. Les murs que je rencontre dans les films me servent de leçons dans l’écriture par la suite, et vice versa. »