Il y a quelque chose de hautement satisfaisant dans le fait de prendre son temps. Pour cuisiner, pour lire un livre, pour se balader en forêt… pour vivre l’instant présent. Dans une vie qu’on mène souvent en accéléré, ces moments durant lesquels on laisse tomber nos attentes et nos appréhensions sont souvent les plus savoureux.
Le vin, lui, ne vit pas en accéléré. S’il ne sait faire qu’une chose, c’est bien de prendre son temps. On dit même parfois d’un vin qu’on désire laisser vieillir qu’on va… l’attendre ! Mais que se passe-t-il durant cette attente ? Comment un vin en bouteille peut-il se bonifier au fil des années? Et quelles conditions sont nécessaires pour lui permettre d’atteindre son plein potentiel? Petit guide sur les bases du vieillissement du vin.
Comme vous et moi, le vin a besoin d’oxygène pour vivre (et donc pour vieillir). Sous sa collerette d’aluminium, le bouchon de liège laisse entrer de l’oxygène. La quantité est minime, mais suffisante pour permettre au vin d’évoluer via des réactions chimiques complexes. Ces réactions auront pour effet d’altérer l’apparence, le goût et la texture du vin au fil du temps. Les vins rouges changeront de couleur en devenant orangés, puis bruns, alors que les blancs deviendront plus foncés, d’abord dorés, puis orange et bruns. Les arômes primaires de la jeunesse (fruits, fleurs) laisseront place à des arômes d’évolution comme les fruits cuits et séchés et d’autres arômes comme l’humus, les champignons, les épices, le grillé et le cuir apparaîtront. Finalement, les tanins s’assoupliront, passant de rudes à soyeux, donnant au vin une texture plus enveloppante.
Ces changements donneront au vin complexité, profondeur, persistance et caractère… jusqu’à ce qu’il atteigne son apogée, se détériore, devienne mince et dépourvu d’arômes, puis enfin meurt. Le but ultime quand on fait vieillir du vin est donc de l’attraper au sommet de sa forme plutôt qu’en fin de vie. Mais comment savoir si c’est le bon moment d’ouvrir une bouteille qu’on conserve depuis quelques années ? Je vais peut-être en décevoir plus d’un ; on ne peut jamais en être complètement certain. Il n’y a pas de recette miracle, mais certainement quelques clés pour mettre toutes les chances de son côté.
D’abord, il faut savoir bien acheter. Si l’intention est de faire vieillir une bouteille, renseignez-vous sur le producteur, le(s) cépage(s), la région, le millésime… Pour tirer de grandes généralités, disons que les vins rouges à base de cépages plus riches en tanins (cabernet sauvignon, sangiovese, nebbiolo…) ont un meilleur potentiel de garde, de même que les vins blancs avec une bonne acidité (riesling, chenin blanc). Le taux de sucre est aussi un bon indicateur. Les vins de dessert sont parmi ceux qui se gardent le mieux.
Ensuite, sachez bien entreposer vos bouteilles. Le fond d’une garde-robe ne suffit plus pour un tel projet! On cherche un endroit sombre, sans vibrations, où la température reste stable (entre 10 °C et 14 °C), et où le taux d’humidité avoisine les 70 %.
La dernière clé est de constater par soi-même l’évolution. En ayant trois exemplaires d’un même vin sous la main, on peut le goûter à différents stades de son évolution. Par exemple, la première bouteille après cinq ans, la deuxième après 10 ans, et la dernière après 15 ans. Ça peut paraître un sport de riches, mais il est possible de trouver de bons candidats à la garde entre 25 $ et 50 $. Dans tous les cas, une chose est certaine : vous devrez vous armer de patience, et laisser le temps au temps.
Juvé y Camps, Penedès, Casa Vella d’Espiells 2019, biologique
13351459 — 25,50$
Une partie du travail de vieillissement a déjà été faite avec cette cuvée 2019. Ce cabernet sauvignon espagnol est d’une belle intensité et rappelle les petits fruits noirs bien mûrs, les épices et la noix grillée avec un côté boisé bien nuancé. Bien qu’un régal si consommé tout de suite avec des côtelettes d’agneau ou votre pièce de viande rouge préférée, il saura encore se bonifier pour les cinq prochaines années au moins !
Anselmo Mendes, Vinho Verde, Muros Antigos 2023
12455088 — 16,65$
Si vous avez des idées préconçues sur le Vinho Verde, à savoir que cette appellation produit des vins très légers et sucrés, ce 100 % alvarinho vous les fera perdre en un instant. Produit par Anselmo Mendes, qui est passé maître dans la vinification de ce cépage, vous y trouverez de l’étoffe et de la fraîcheur. Arômes de fruits à noyau, de pomme et d’agrume… vous vous régalerez à l’apéro ou avec une cuisine méditerranéenne remplie de fraîcheur. À boire dans les trois prochaines années.
Domaine Cauhapé, Jurançon, Symphonie de Novembre 2021
10782510 — 43,00$
La région du Jurançon dans le sud-ouest de la France est reconnue pour ses vins de dessert. En voici un composé uniquement du cépage petit manseng vendangé tard en saison, en novembre comme l’indique le nom de la cuvée. Très aromatique, on y retrouve les agrumes, l’ananas, les fruits secs ainsi qu’un aspect épicé et grillé, le tout relevé par une bonne acidité qui équilibre l’ensemble. À savourer avec un plateau de fromages ou une tarte Tatin sans tarder… ou dans 15 ans !